Remise en question

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Dans notre grande série,”qu’est-ce qu’on irait pas nous raconter pour nous vendre des trucs”, aujourd’hui, le thé.

Grâce au gentil Fabien, l’auteur de Requiem pour une vodka, et à sa superbe femme qui doit être la mère de l’enfant dont je dois être le parrain, nous avons fait une initiation à la dégustation de thés à La Maison des Trois Thés.

Pour situer le contexte, le lieu est tenu par Mme Hu Yui Tseng, l’une des 10 grands spécialistes mondiaux du thé : elle possède plusieurs jardins à Taïwan, les récoltes de quelques (!) autres en Chine, et assemble le tout pour des productions dépassant rarement, voire jamais, les 800kg par an sur les thés ainsi conçus. Mme Tseng a aujourd’hui constitué la plus grande cave de thés au monde, et des œnologues, parfumeurs et autres spécialistes de l’odorat viennent s’entraîner et se former chez elle.

Tout en nous abreuvant d’excellent thé (sans être des spécialistes, on commence à discerner le lipton yellow du reste), nous avons bombardé le serveur / animateur de questions.

Nous avons ainsi appris que :

  • ne pas nettoyer l’intérieur d’une théière dans le but de la culotter pour améliorer le goût des futures infusions est une aberration : le dépôt est constitué de tanins, qui, c’est chimique, deviennent rances en vieillissant (le vendeur a par ailleurs comparé cette pratique à toujours garder la même assiette non-lavée pour le fromage, bon appétit) ;
  • l’adage “une théière par famille de thé” devient donc nul et caduque : une bonne théière en porcelaine fait très bien l’affaire;
  • les théières japonaises qu’on nous vend à prix d’or sont des en fait des bouilloires : la fonte est l’un des pires matériaux pour l’infusion du thé, vu que la plupart des thés ont besoin pour exprimer tous leurs arômes d’une courbe descendante pour la température de l’eau, et que la fonte conserve très bien la chaleur (logique pour une bouilloire);
  • chauffer la théière en y versant de l’eau bouillante n’est utile que pour les oolong et les pu er, pour tous les autres thés, c’est inutile voire néfaste au goût (un thé blanc s’exprime bien à 70 °C : un quart d’eau froide et le reste d’eau bouillante)
  • réhydrater les feuilles, c’est à dire les passer quelques secondes dans l’eau à bonne température, c’est bien : ça prépare le thé à être infusé;
  • si vous voulez une bonne théière, prenez de la porcelaine. Evidemment plus elle est fine, et mieux ce sera, car elle sera moins perméable aux huiles essentielles dégagées par les différentes infusions. Pour des thés un peu plus haut de gamme et/ou pouvant révéler plus d’arôme (typiquement les oolong et pu er cités plus haut), on pourra investir dans des ustensiles de gong fu cha. Tout le reste c’est de la pacotille.

Nous sommes sortis de là un peu blasés d’avoir été menés en bateau si longtemps, surtout que je croyais m’y connaître un brin. D’un côté je suis content, hein, c’est par la remise en question qu’on progresse, mais de l’autre, j’irai bien dynamiter deux trois boutiques et mordre quelques auteurs qui m’ont fourvoyé jusque là : le thé est beaucoup plus simple qu’on voulait me le faire croire.

Rikyu, le plus grand des maîtres de thé, ne disait-il pas :

“Le thé n’est rien d’autre que ceci: 
Faire chauffer de l’eau 
Préparer le thé 
Et le boire convenablement. 
C’est tout ce qu’il vous faut savoir.”

Et avant lui, Lao-Tseu :

“La grandeur implique l’extension,
l’extension implique l’éloignement,
l’éloignement exige le retour.”

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