Chroniques du Confinement – J4 – Ma SimCity va craquer.

6 min read

Nous voila rendu dans le dur

Mardi 17 Mars. L’anniversaire de Kurt Russell, comédien star de The Thing et de New York 1997. Avouez que c’est une drôle de date pour commencer un confinement qui se veut strict.

La matinée a commencé par chez nous avec la visite d’un copain restaurateur. Contraint de fermer il liquide ses stocks : nous le soutenons financièrement, lui nous rend service, et tout le monde évite du gaspillage. Bon deal. De ceux qui me font penser que oui, quand le monde vacille, il n’y a qu’en se serrant les coudes qu’on s’en sort. D’ici là, notre congélateur n’a jamais contenu autant de viande. Pour autant, je me rends compte que je mange beaucoup moins. Alors que beaucoup se demandent si leur cholestérol de confinement sera pris en charge par l’Etat, je me suis mis au régime “restriction”. Paranoïaque d’appliquer un rationnement ? Bah, j’avais une bouée de gras autour du bide, ça ne peut pas faire de mal.

Le potager avance, doucement. J’échange quelques messages avec des jardiniers de mes amis : “tu aurais des graines de ça ?”. Je participe à quelques réunions en télétravail, mollement.

A midi pile, pas de sirène retentissante pour annoncer qu’il faut rentrer chez soi – car ça grouille encore, dehors, de ce que nous en voyons par réseaux interposés. Les réactions à l’annonce du confinement, que je lis ça et là, brossent un éventail très large. Qui fait contre mauvaise fortune bon cœur, qui râle, qui organise tranquillement la classe pour ses gamins, qui déprime d’être seul dans son appart avec son chat (voire même pas), qui flippe de rester seule en milieu urbain et se barre avec la campagne avec deux copines (un cas sympathique que je n’avais pas envisagé hier où le genre influe sur la manière d’aborder le confinement – courage mesdames).

Partout autour de la planète, après la résistance au manque de PQ (des gens se sont battus dans des supermarchés pour leur droit inaliénable au cul propre), s’organise la résistance contre l’ennui. Compréhensible quand on a des enfants à occuper ou qu’on est véritablement seul chez soi, cette frénésie me laisse un peu dubitatif par ailleurs. De tous les liens que j’ai pu collecter pour les parents autour de moi je n’ai eu le temps d’en visiter aucun (à part quelques téléchargements que j’ai lancés en espérant qu’ils ne s’entassent pas dans la poussière de mes étagères numériques… pas gagné). Pourtant, ça s’agite : des copains se sont vus ajoutés dans trois, quatre, cinq groupes de partage de “remèdes à l’ennui” sur les réseaux commerciaux. Et la consommation du réseau explose. Au boulot nous avons des consignes strictes : ne pas utiliser la vidéo pour les visio audioconférences, limiter l’accès aux VPN (ces tunnels de connexion sécurisée et au nombre de places restreintes) au strict minimum, bref, économie économie. Vous vous doutez que Netflix, Youtube et Steam eux, s’en donnent à cœur joie. Sauf que si demain le réseau s’écroule, on aura l’air fin. Plus de CB, plus de gestion des stocks là où ça importe vraiment (au sens de important, pas d’importation), comme à Rungis, par exemple… et l’économie qui tourne encore se prendra un méchant taquet derrière la tête sans le net. Déjà que certains Espaces Numériques de Travail de l’Éducation Nationale sont en rideau… Alors, tiendra, tiendra pas, le cyberweb multimedia interactif ?

(Paradoxe : ce site participe à l’accroissement du trafic non-essentiel…)

Un scorpion sur fond de soleil brulant marchant sur un écran de données. Oui, moi aussi je trouve ça bizarre.

Cette image sortait en cherchant “big data” dans Pixabay, et elle remporte la palme de l’improbable.

Ces questions de web surchargé vous paraissent peut-être anecdotiques, mais elles sont au contraire essentielles, car pour remédier à l’engorgement que provoquent les sites de loisirs, les gouvernements pourraient prendre des mesures limitant leur accès, comme les commerces de loisir ont pu être fermés. Si cela vous paraît raisonnable, réfléchissez à ce que vous appelez un site internet de loisir. Là où il n’y a que de la vidéo ? Comme Youtube ? Avec ses retransmissions de jeux vidéos, de chatons mignons, de tutoriels pour apprendre à fabriquer soi-même un four solaire, pour suivre une conférence du collège de France, pour construire sa propre chaîne de télé indépendante où l’époque où les medias sont noyautés par une dizaine d’oligarques. Oui, oui, la Neutralité du Net est en jeu, là, en ce moment, à cause d’un virus.

Et puis il a fallu sortir après ce midi fatidique : rendez-vous médical, de ceux qu’on ne peut pas reporter. Départ en précipitation et là, oops, se rendre compte qu’on est parti sans avoir imprimé la fameuse dérogation. La recopier à la va-vite dans l’embouteillage qui précède… un barrage de gendarmerie. Deux agents contrôlent les fameux laisser-passer. En donnant notre mini-feuille piquée à un bloc-notes publicitaire, je constate que la gendarme qui nous contrôle porte gants et masques… Et que tous les germes sur ses gants vont sur notre feuille. Qu’elle lit, et nous rend, un peu plus lourde des cadeaux laissés par dix, vingt, trente automobilistes avant nous. #RestezChezVous ! (une fois passé ce rendez-vous, on ne bouge plus jusqu’à nouvel ordre ou urgence absolue).

En ville, je m’attendais à des rues déjà désertes. Oui, les commerces sont fermés et les parkings moins remplis, mais vides, certainement pas. Des gens zonent, à côté de leur bagnole, plantés pour on ne sait quelle raison sans doute palpitante et essentielle à leur rupture de confinement. Sans leur demander le pourquoi du comment, nous filons chez le médecin, organisés pour ne rien toucher, ne nous asseoir nulle part, pas de contacts, pas de contacts… Et aussitôt la consultation faite, zou, repartir. A la radio, la station locale vente les mérites de la bijouterie (fermée sans doute), ceux d’un magasin de déco (pas plus ouvert), et rappelle les gestes de prévention du coronavirus. Cette cohabitation sur les ondes sonne ubuesque, mais rassurante : tout ceci n’est qu’une parenthèse. Normalement. Si SimCity continue de tourner.

Wait and see. En attendant, justement, j’ai résilié mon abonnement à un service de streaming audio (j’ai tout ce qu’il me faut sur mon disque dur) et je m’emploie à vider mes boîtes mails.

Enfin, aucun rapport : le cochon dingue est de retour (et m’a piqué mon titre follement original).

Recevez l'actualité du site et toutes les Histoires minute de la semaine.
Vous pouvez aussi me soutenir sur Patreon !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.