Comme annoncé lors du précédent numéro, ça dépote pas mal dans ma bibliothèque.
J’ai donc enchaîné après le cycle de la Tour Sombre avec Le Grand Livre, de Connie Willis. C’est toujours curieux de passer d’une série de bouquins écrits en relativement petits caractères, à un pavé de sept cents pages écrit d’une police volumineuse. Quelque part c’est très flatteur : on a l’impression de lire plus vite – même si d’avoir repris l’habitude d’une lecture soutenue n’est pas étrangère à cette impression non plus. Mais parlons de l’œuvre proprement dite plutôt que de son support. Le Grand Livre déroute de prime abord par sa profusion de personnages assez mal présentés, j’ai trouvé. On fait finalement vite la part entre les personnages principaux et les secondaires. Le souci vient du fait qu’une foule de noms nous sont balancés en vrac et que la même personne est parfois désignée par son nom, parfois par son prénom, parfois par son titre, sans qu’on nous ait clairement pointé la réunion des trois éléments. Mais peut-être que je lis trop vite. Une fois les protagonistes identifiés, il faut reconnaître qu’on avance vite et bien, et que le style confus sert finalement le récit. De quoi ça parle ? De voyage temporel effectué à buts historiques. Problème, puisqu’il n’y a que lorsqu’un conflit apparait qu’une histoire intéresse : le voyage temporel ne se passe pas forcément aussi bien que souhaité, du fait de l’incompétente ambition de certains, et de grains de sable qui viennent se glisser dans la machinerie.
Il amusant de noter que ce roman de science-fiction place son intrigue dans un 2054 assez similaire à notre monde contemporain, à quelques avancées technologiques près. La grande différence vient de cette machine à remonter le temps soigneusement étudiée pour éviter les paradoxes temporels et l’interaction du présent avec le passé, et d’une toile de fond qui nous rappelle l’actualité récente : le monde a en effet été frappé au début des années 2000 (sans que les dates soient précisément avancéesdans ce livre écrit au début des années 1990) par une Pandémie qui a fait des millions de victimes (plus de 30 millions rien qu’aux Etats-Unis). Ce précédent entraîne des quarantaines à la moindre poussée de fièvre un peu violente (et je ne vous révèle que le premier grain de sable dans le parcours de notre voyageuse temporelle).
Au final, les vrais problèmes que rencontrent notre historienne envoyée dans le passé sont assez attendus, même si leurs causes et certains rebondissements exposés dans le présent sont plus surprenants.
Autre ouvrage que j’avais emprunté il y a moult temps, La Possibilité d’une île est le premier bouquin de Houellebecq que je lis. Bon. J’ai du mal à comprendre l’engouement de certains par rapport à cet ouvrage, même si j’avoue ne plus savoir s’il s’agissait d’engouement ou de polémique par rapport au contenu raciste et machiste de l’histoire. Ces provocations, que l’auteur peut toujours attribuer à son personnage plutôt que de les avouer siennes, sont assez faciles. Je m’étrangle un peu quand le personnage explique qu’on le comparait à Desproges. On est loin, dans la description des sketches du personnage, de la finesse de Desproges. Passons. A côté de ça, l’histoire est terriblement inscrite dans son temps par ses références culturelles archi-contemporaines, mais dont on sent qu’elles ne vieilliront pas (Houellebecq a beau citer Schopenhauer, on retient hélas plus sa retranscription des propos d’Ophélie Winter – parce qu’ils sont plus affligeants…) Le discours général en devient donc daté d’avance et assez nombriliste. La fiction ne touche ici le point “universel” qui permet l’identification (sans nécessaire sympathie). Ceci dit, ça se lit vite – un commentaire que je vais sans doute devoir abandonner dans ces chroniques de lecture tellement il devient classique et banal…). La profusion de sexe noie le récit dans une quête assez vaine dont la morale-réponse à la question mise en exergue en quatrième de couverture (“Qui parmi vous mérite la vie éternelle ?”) pourrait se résumer au choix par personne ou tout le monde. On sent cependant que Houellebecq penche plus clairement vers le “personne”, du moins c’est ce qui transparait de son récit assez misanthrope. Dispensable.
Rendez-vous le mois prochain pour une chronique, a minima, du Secret de Ji, de Pierre Grimbert.