Comme dit Cochon, je poursuis ma rentrée littéraire. Voici donc ce que j’ai lu en Septembre, et ce que j’en ai pensé.
Tout d’abord, commençons par un truc qui n’a aucun rapport, j’ai repris mes activités de lecteur pour les éditions Mille Saisons. Petit plaisir, mon nom figure en page d’accueil 😛
Je vous conseille de passer sur le site le jour, puis d’y revenir la nuit : c’est fou tout ce qu’on peut faire avec un peu de technologie utilisée à bon escient.
Abordons maintenant le vif du sujet.
Jack l’Eventreur, Affaire classée, portrait d’un tueur : Sous ce titre à rallonge ne se cache pas l’hypothèse de Patricia Cornwell sur l’identité du fameux meurtrier qui sévit à Londres en 1888, et bien après selon elle. Oubliez toute notion d’énigme, le livre n’est absolument pas construit comme un whodunnit, mais comme une démonstration. L’auteur nous entraîne dans un univers sur lequel elle s’est manifestement bien documentée : le Londres victorien. Son accusation est faite dès le départ du procès livre, et les 500 pages qui vont suivre n’auront pour but que d’amener des pièces à charge, la plus définitive étant assenée dans le premier chapitre (des analyses ADN, dont on peut douter de la fiabilité avec du matériel de plus de 120 ans d’écart).
Cet enjeu envolé, l’exercice reste assez vain puisque Jack l’Eventreur est depuis bien longtemps un mythe dont l’anonymat restera indéboulonnable, quelque soit les démonstrations apportées.
Il reste évidemment le jeu du “comment le prouver”, un peu comme dans Columbo. Malheureusement, telle n’était pas la volonté de l’auteur. L’ouvrage aurait sans doute été bien plus palpitant s’il avait été écrit comme un roman, mais on sent que Patricia Cronwell tenait à “faire justice” (évocation de son passé où elle travaillait dans le système judiciaire et policier) et à rétablir la vérité. L’intérêt du livre ne demeure donc pas dans le suspense, qu’elle n’a absolument pas voulu introduire tellement elle est dégoûtée par son coupable. Le livre ne vaut que par ce formidable faisceau de conjectures, amenés comme des preuves, et dont le rassemblement montre assez bien la démarche de l’auteur qui glane des éléments disparates pour en faire un tout cohérent.
Plus intéressant pour la démarche créatrice que pour la mise en accusation et sa démonstration, donc.
Le neveu du magicien (premier tome des Chroniques de Narnia) : par premier tome, il faut comprendre “premier tome dans le flux narratif” puisque dans la chronologie d’écriture, Le Neveu du Magicien fut l’avant-dernier tome écrit par C.S. Lewis. L’ouvrage ne sert que de Genèse à l’univers de Narnia. Il ne se passe pas grand chose dans ce récit qui ne vaut que par la lecture du second épisode, Le Lion, la Sorcière et l’Armoire magique, récemment adapté au cinéma. Comme toutes les prequels, elle est largement dispensable. Au moins celle-ci est écrite par l’auteur principal.
American Gods, de Neil Gaiman : L’auteur de Stardust et comparse de Terry Pratchett sur De bons présages signe ici un ouvrage qu’on pourrait croire de Stephen King s’il n’était pas aussi bien écrit. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la hideuse couverture française, ça ne traite pas de super-héros, mais de dieux, de foi et de traditions. Dans l’Amérique d’aujourd’hui, les dieux des migrants d’hier affrontent les idoles modernes que sont les Médias, l’Autoroute ou le Portable. Odin affronte ainsi la Télé, Kali se coltine Internet et les effrits conduisent des taxis minables dans New-York. C’est drôlement bien écrit, donc, fantastique comme du Lynch compréhensible et totalement crédible.
D’aucuns trouveront peut-être le rythme lent, mais tout l’ouvrage est construit sur le postulat qu’un orage se prépare. Et un orage, ça met du temps avant d’exploser.
Tout ça me donne envie d’attaquer Anansi Boys, du même auteur, dans le même univers, mais je vais faire une pause dans le fantastique, la SF et ce genre de choses…
Nota : Ceux qui veulent voir le même sujet traité de manière plus légère liront “Les petits Dieux” de Terry Pratchett (où une chute de Tortue peut se révéler un acte de foi absolu).
Dont acte, avec C’était tellement mieux avant, de Lucas Fournier, un des Papous dans la tête. Ce petit traité d’antépathie, ce mal typiquement et exclusivement français qui consiste à estimer que “c’était tellement mieux avant”, est jubilatoire. L’écriture est ciselée, ça fourmille de bonnes idées, et le tout est bourrée d’humour. La densité est telle que ça pourrait être bourratif, le talent de Fournier est tel que son ouvrage est riche. Si vous aimez Desproges, ruez-vous dessus : que du bonheur. L’écriture de Fournier manque sans doute de l’élégante fluidité du maître, mais le fourmillement d’idées est tel qu’on lui pardonne.