M’est arrivé un truc de dingue, l’autre soir. En rentrant du boulot, je suis tombé dans la rue sur une pleine caisse de bouquins neufs. En partance pour la poubelle.
Je sais ça parait dingue. Des livres neufs. Les couvertures étaient un peu, à peine, abimées, et encore, ce n’étaient là que de rares exceptions. Il y en avait une petite trentaine.
Bien sûr, cela n’arrange pas mes affaires ni mes problèmes de rangement, dans l’immédiat. Bien sûr.
Mais quand même, quoi. Balancer une trentaine de livres à la poubelle. Alors qu’on peut les vendre sur Priceminister. Où, soit dit en passant, on trouve des CDs récents et neufs pour moins de dix euros (j’ai pas d’action chez eux, tout au plus des bons d’achat de parrainage…).
Admettons que vous n’ayez pas le temps de vendre à l’unité sur Priceminister, il y a Leboncoin.fr qui vous permet de déposer une annonce où vous vendrez votre lot de bouquins.
Pas envie de vendre ? Il y a encore donnons.org où vous pourrez faire des heureux. Si Internet vous rebute, il y a des bibliothèques municipales un peu partout, et même des centres Emmaüs qui les revendront pour financer leur action de ré-insertion et d’entraide.
Mais les jeter ? Z’êtes pas un peu fou, non ? C’est peut-être ça le problème, en fait. Le monde est un peu fou. On nous parle de pouvoir d’achat, de travailler plus pour gagner plus (kof kof), de consommer. Voire de simplement acheter, pas obligé de consommer : dépensez, on se fiche de savoir ce que vous faites de vos achats.
Bon. Admettons que vous vouliez acheter des trucs. Devez-vous accepter le rançonnage pur et simple dans lequel les circuits de grande distribution se spécialisent (confère ce que je vous disais d’un CD disponible à 18 euros sur Fnac.com, et à 10,90€ avec un DVD bonus chez un importateur accessible via Priceminister…) ? Vous pouvez bien sûr répondre “Oui”, si vous croyez le discours de l’industrie du disque et de ses réseaux de distribution. S’ils se goinfrent prodigieusement sur les ventes, c’est la faute à la piraterie informatique : il faut bien compenser les pertes dues au vol d’œuvres. On peut juste se demander qui vole qui et comment. Je ne me suis pas penché sur les DVDs ou les jeux vidéo, on peut cependant supposer que le principe est le même. Mais je digresse, je digresse.
Vous avez les moyens d’acheter les trucs qui vous font envie moins cher. Ok. Ce que Je me demande en fait, c’est de quel temps bénéficie-t-on pour profiter de la pléthorique offre culturelle à laquelle nous avons accès ? Car oui, même les plus démunis peuvent accéder à la culture gratuite : expositions gratuites, bibliothèques qui sont de plus en plus souvent des médiathèques. Dès qu’on commence à avoir un peu d’argent les possibilités explosent littéralement : il n’est pas utile de franchir la ligne de la légalité pour lire, écouter, voir sur internet multitudes d’œuvres et/ou d’émissions de qualité.
Alors sur quel temps grapiller pour profiter de tout cela ? Mieux (ou pire), pour peu que l’on veuille créer soi-même, comment rendre compatible cette frénésie de consommation qui pousse le gouvernement à vouloir ouvrir le dimanche, sous prétexte que ça va relancer la consommation (et pourtant j’en ai discuté avec mon patron, l’ouverture des magasins le dimanche ne l’incite pas à m’augmenter pour que j’aille profiter de cette opportunité de dépense) ?
Je me retrouve de nouveau face à cette phrase quasi-intraduisible “Time is of the essence”, phrase juridique et contractuelle impliquant que les délais impartis à la réalisation dudit contrat sont essentiels, obligatoires, et que ça ne rigole pas. Oui, le temps est essentiel, il est notre bien le plus précieux, et ce n’est pas une nouveauté, même si elle est toujours redécouverte, de dire que le marketing, qui consiste à créer des besoins que nous ignorions, est aussi un excellent moyen de diversion politique. Panem et circenses…
Mais de là jeter des bouquins…