Jour 5 de mon défi d’écriture : De un à dix. Écrivez un court texte qui comprendra tous les chiffres de un à dix.
L’émerveillement demeure le même. Parce qu’aussi banal nous soit devenu ce geste, nous réalisons quel changement il apporte. Nous nous extasions : “Un pas ! Il marche !”. Bientôt les parents se plaindront et plaisanteront : “c’était quand même plus calme quand t’étais tout le temps dans ton parc !” Mais pour le moment, ce seul pas suffit à émerveiller ceux qui le voient et la petite personne qui l’accomplit. Un seul pas et le bébé à quatre pattes se transforme en bipède, comme tous ceux qui marchent sur deux pieds, comme ses parents, comme tous les adultes autour de lui, comme les autres filles et garçons de la maison. Deux trois caprices adviendront forcément : “je marche, je suis adulte maintenant, pourquoi essayez-vous encore de m’imposer vos volontés ?” Cyclique, ce caprice, mais qui va s’élargissant, qui prend de l’ampleur, qui prend le large. Nous n’en sommes pas là. Un pas, vacillant, encore un main qui tient. Le sourire qui barre le visage, on aimerait dire “toutes dents dehors” mais avec quatre quenottes qui percent à peine les gencives. Encore accrochés à un index massif, les cinq tout petits doigts lâchent enfin et les minuscules menottes se tendent vers l’autre adulte en face qui encourage et ouvre les bras pour accueillir le nouveau marcheur. Qu’a fait Armstrong après avoir posé le pied sur la Lune ? Ben il a posé l’autre pied. Notre vedette du jour en fait de même, deux, trois, quatre, cinq, six fois le même geste répété, avec l’accélération enthousiaste des porteurs d’eau entraînés par leur propre poids. Partout, tout autour de la planète, sur les sept continents, sauf peut-être ceux des pôles, et encore, les manchots… partout, des bébés font leur premier pas et deviennent petites filles et petits garçons, cessent d’être des bébés pour devenir des enfants, se cognent, tombent, sont consolés, un doigt qui dessine un huit autour des yeux plein de larmes pour repartir vers l’aventure banale et extraordinaire. Les petites contrariétés de l’apprentissage sont déjà oubliées et passé ce premier pas, on a oublié de compter. Neuf ? Dix ? Il faudrait maintenant dénombrer les aller-retours entre ici et là, mais qui s’en soucie ? La date restera marquée dans les mémoires grâce au premier pas.