Matière à rêver #5 (27 juillet au 8 août 2024)

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Les vacances, ou du moins l’été : voici les découvertes lectures, écoutes, furetage et autres idées partagées de cette dernière quinzaine !


Littératures

La mer de la tranquillité

Comme je n’ai aucun livre à la maison, et que je ne sais pas quoi lire, je persiste à emprunter des livres à la médiathèque, comme ce roman d’Emily St John Mandell.

La mer de la tranquillité fait partie de ces livres qu’il faut je pense lire sans avoir lu la quatrième de couv : sachez juste qu’il s’agit d’un mystère, d’une enquête, et que vous allez n’y rien comprendre avant… au moins la page 150.

Et malgré cette errance, la lecture est facile et agréable, grâce à une écriture efficace et un rythme bien maîtrisé. Une fois terminé, il ne faut pas réfléchir à l’intrigue trop longtemps sinon le postulat de départ s’écroule assez vite.

La mer de la tranquillité d'Emily St. John Mandel
La mer de la tranquillité d’Emily St. John Mandel
Il avait plu tout le dimanche, un roman de Philippe Delerm
Il avait plu tout le dimanche, un roman de Philippe Delerm

Il avait plu tout le dimanche

Après le fils, le père. Ce court livre de Philippe Delerm nous présente la vie d’un homme, alsacien parti à Paris, devenu parisien jusqu’au bout des ongles. Pas le titi bobo ou le capitaine d’industrie, non, nous sommes ici chez Delerm. Un monsieur tout le monde, avec ses petites habitudes, sa petite vie, son quartier populaire. Un homme déjà anachronique dans la modernité de la fin des années 90 où se situe le roman.

Il avait plu… ne raconte aucune histoire, ce n’est pas non plus une tranche de vie, ce sont des successions de moments, qui brossent un caractère, dessine un personnage, présente une vie. Je comprends qu’on déteste. J’adore.

Anecdote : enraciné dans le réel, le roman fait se croiser le personnage principal et un musicien de métro, un homme aveugle accompagné son chien qui chantait du Piaf et du Aznavour avant de les diffuser sur un ampli. Et je vois très bien de qui il s’agit, pour avoir très souvent croisé moi aussi cet homme – dont je me demande ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Hana et Taru – La Folie de la forêt

Gros gros coup de cœur pour cette BD qui concourt pour le Prix des lecteurs du Var.

Hana est une humaine et Taru… on ne sait pas et ce n’est pas important : l’action débute dans son village, et son peuple ne se définit que par sa fonction – celle de chasseur. Sauf que… Hana est captive du village, qui n’a jamais de bestiole comme elle; le village est attaqué par d’immenses bêtes qui semblent devenues folles, comme le sous-titre de la BD l’indique, et qu’il faut trouver un moyen de faire cesser ces attaques.

Hana et Taru, une BD de Léo Schilling et Motteux
Hana et Taru, une BD de Léo Schilling et Motteux

Les enjeux immédiats sont posés et tout l’intérêt de l’intrigue sera de voir quels moyens sont employés pour faire changer les choses. Rien n’ira sans heurt, et cette évidence prépare à une fin très intéressante, où les personnages règlent leurs comptes avec justesse et intelligence.

Et le fait que tous les personnages principaux soient des femmes ne gâche rien, loin de là. Espérons que ce récit qui se tient de lui-même connaisse une suite : tout est posé pour qu’elle ait lieu. À suivre !

La quête Tome 1 : la dame du lac perdu, de Wauter Mannaert et Frédéric Maupomé
La Quête Tome 1 : la dame du lac perdu, de Wauter Mannaert et Frédéric Maupomé

La Quête – La dame du lac perdu

Autre BD qui concourt pour le Prix des lecteurs du Var, le tome 1 de la Quête mérite sa lecture si le livre passe dans vos parages. C’est moins enthousiasmant que Hana et Taru, mais fort sympathique tout de même.

Presque tout est dit sur la couverture : Pelli est le dernier descendant du roi Pellinor et doit à son tour se lancer dans la Quête que poursuit sa famille depuis 1000 ans. Mais bon, traquer une Bête au XXIe siècle…

Il va pourtant recevoir l’aide de la Dame du lac, bien différente de celle du classique mythe arthurien. Et les ennuis vont commencer – car la traque de la Bête ne peut être de tout repos.

Le récit fonctionne mais il lui manque un je-ne-sais-quoi, que le cliffhanger ne parvient pas à relever. Je suis sans doute un peu moins le public pour cette BD jeunesse, qui fonctionne pourtant très bien. Malgré ces quelques réserves, je lirai la suite avec plaisir.

Club de lecture : les recommandations du début d’année 2024 !

Une médiathèque, quelques personnes passionnées de lecture, un thème mensuel, il n’en fallait pas plus pour lancer un club de lecture qui s’est déroulé chaque mois en ce début d’année 2024. Au programme, de chouettes rencontres humaines et littéraires. Voici les thèmes de chaque mois – vous trouverez au bout du lien les livres présentés et évoqués lors des sessions du club.

Rendez-vous en août !

Lectures ludiques

DRACONIS – Le Cœur de la Vallée
DRACONIS – Le Cœur de la Vallée

Draconis : Le Cœur de la vallée

Ce livre dont vous êtes le héros sert d’initiation au jeu de rôle, et d’introduction à la grosse campagne (cinq scénario tout de même) L’appel de l’aventure, pour Draconis, le jeu de rôle de Chane et du Studio Agate.

Je n’ai pas du tout bossé sur ce projet et j’étais curieux de voir comment fonctionnait cette boîte d’initiation deluxe. Commençons donc par le commencement avec ce Cœur de la vallée, qui nous met dans la peau de la cheffe d’un village qui part enquêter sur un phénomène mystérieux qui touche la communauté dont elle a la charge.

Ça démarre très vite très fort, et on pourra reprocher une immersion en mode “plouf”, jetés dans le bain. Je suppose que ça fonctionne si l’on en a envie, j’ignore si ça marche totalement avec des personnes plus hésitantes sur le JdR en général. Après, tel que je l’ai comprise, cette boîte d’initiation visait à conquérir de nouveaux rôlistes auprès d’une autre audience spécifique : les fans de l’illustratrice Chane, qui connaissent donc bien son univers. Cette réserve à part, Le Cœur de la vallée fonctionne : chaque rebondissement constitue autant de petits cailloux blancs que nous semons. Qui va les trouver ? Et bien les personnages qui à leur tour, vont enquêter sur le départ de leur cheffe – ce sera là le premier scénario de la campagne. Ce mode de fonctionnement présente deux intérêts : bien montrer le côté “monde malléable” du jeu de rôle et exposer les mécanismes de construction d’un scénario de jeu de rôle. Dans ce “monde malléable”, les individus laissent une trace (celle choisie par le scénariste), qui pourra être suivie par les joueurs. Le Cœur de la vallée n’est pas une méthode de création de scénario ou un outil d’idéation à proprement parler, mais une sorte de tutoriel qui accompagne les apprentis MJ. C’est assez malin et encourageant. J’espère pouvoir faire jouer la campagne cet été, à suivre donc !

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Un cahier dont les pages sont remplies d'histoires courtes et de microfictions manuscrites

Sais-tu que j’écris des microfictions, une par jour, dans le cadre du défi Writever ? Un mot, un jour, 500 caractères maximum pour une histoire : tu peux retrouver ces brèves histoires dans ta boîte mail en t’abonnant ici !

Mélodies

Gunship

Une des recommandations évoquées la semaine dernière.

Ce n’est pas l’extase totale pour ce groupe, mais il a des sonorités qui m’intéressent. Le titre Dark all day, issu de l’album éponyme, m’a été recommandé, alors j’ai regardé le clip et écouté.

Ce morceau brille étonnement grâce au remix par Power Glove (avec qui le groupe collaborera sur son album suivant). Synthés et une forte inspiration 80’s remis au goût du jour : c’est sombre et envoûtant à souhait – logique pour un groupe appartenant au même courant musical de la retrowave (comme Carpenter brut, qui a remixé un titre du premier album de Gunship).

Pions et cartes

Far away

C’est l’été en famille, l’occasion de tester PLEIN de jeux de société. Parlons de l’As d’or Initié de 2024, de Johannes Goupy et illustré par Corentin Lebrat. Dans Far Away, chaque carte représente une destination. Vous en poserez huit au total, chacune vous permettant soit de marquer des points de victoire soit d’accumuler des ressources, nécessaires à vos points de victoire.

La boîte du jeu Far Way, de Johannes Goupy et illustré par Corentin Lebrat

Une petite mécanique permet de piocher et poser quelques cartes bonus. Jusque là, rien de bien révolutionnaire. La particularité vient du comptage de point, puisque les cartes que vous aurez posées ne considéreront que les suivantes pour vérifier les conditions. Autrement dit : vos cartes qui feront le plus de points ont intérêt à avoir été posées en tout premier, pour bénéficier des sept ou six que vous avez posées ensuite. Une astuce qui oblige à une planification forte et ce qui faut de nœuds de cerveau. Une seule partie au moment où vous lisez ces lignes, mais les vacances ne sont pas finies !

La boîte du jeu Harmonies, de Johan Benvenuto et illustré par Maëva da Silva

Harmonies

Composer des paysages pour permettre à des animaux d’y vivre… Un autre Cascadia ? Non : Harmonie emprunte à Azul sa mécanique de pioche (on récupère un lot trois “paysages” parmi cinq lots possibles), tandis qu’on peut choisir quels animaux développer dans quels paysages, via des cartes qui imposent l’habitat à construire, et qui rapportent des points selon le nombre d’animaux placés (à raison d’une bestiole par habitat).

Ça vous paraît peut-être abscons en si peu de lignes (en une vidéo de 8mn ça passe mieux), mais la règle est très simple, très épurée, et cette élégance laisse une immense possibilité à l’optimisation. Ajoutons à cela que le matériel est beau, bien pensé et (presque) tout en matières renouvelables (pourquoi ces cubes en plastiques alors que des marqueurs en bois étaient possibles ?) et vous aurez un de mes gros coups de cœurs de l’année.

Pixies

Déjà : ce jeu est trop mignon. Les petites fées qui donnent leur nom au jeu, imaginées par Sylvain Trabut, sont magnifiques et valent à elles seules l’achat du jeu. Qui est bien : rapide, facile, riche. Le genre de jeu qu’on sort un soir pour ne pas se coucher de suite et qui ne nous emmènera pas à 3:00 du matin. Hasard, coïncidence ? Johannes Goupy a aussi conçu ce jeu !

La boîte du jeu Pixies, de Johannes Goupy, et illustré par Sylvaint Trabut.

Le principe ? Chaque joueur choisit une carte parmi une ligne d’achat (autant de propositions que de joueurs). Celles-ci sont numérotées de 1 à 9 et viennent prendre leur place sur un carré. Face visible : il faudra repiocher une carte de même valeur pour la valider (marquer autant que sa valeur faciale). Face cachée : c’est que vous n’avez pas pu la mettre ailleurs et vous devrez mettre une carte face visible dessus pour marquer les points correspondants. Bien sûr, chaque carte, en plus de sa valeur faciale, rapporte des points par combinaison (par saison, essentiellement) et votre plus grand zone d’une même saison vous rapporte là encore des points. C’est là encore tout bête une fois qu’on l’a devant soi, et ça tourne très bien.

Spectacle vivant

Pourquoi Roméo n’a-t-il pas fini chez Midas

C’est l’été et la saison des festivals ! Si les nantais de la Compagnie du Deuxième passent par chez vous avec leur pièce Pourquoi Roméo n’a-t-il pas fini chez Midas ?, très libre interprétation de Roméo et Juliette, du bon vieux William, foncez-y. C’est fou, déjanté, drôle, très bien joué, et la fin pique juste comme il faut pour qui a un peu pratiqué les planches. Cette « performance work in progress » comme ils l’appellent eux-mêmes est totalement barrée, et peut s’achever selon la salle sur une ambiance guignol ou un silence pesant (et justifié). Vous me raconterez comment ça s’est passé chez vous ?

Culture générale

Les IA commencent à faire grincer les dents… des investisseurs. L’on s’inquiète à Wall Street du retour sur investissements (faramineux) de ces outils qui restent très largement inefficaces, écologiquement catastrophiques et pire que tout (du point de vue “investisseur”), gratuits. C’est pas avec les versions d’évaluation de ChatGPT 4 ou les crédits gratuits de MidJourney que les dizaines de milliards de dollars vont se rentabiliser, ma bonne dame !

Neil Gaiman est accusé d’agressions sexuelles et ça m’attriste, parce que c’est quelqu’un qui avait l’air réglo. Kill your idols, comme on dit : méfiez-vous des personnes que vous admirez, y en a sans doute bien peu de réellement irréprochables (l’abbé Pierre, si tu nous écoutes…).

Donald Trump tente de rallier les votes des chrétiens aux États-Unis. Osé pour un gars qui a trompé sa femme enceinte avec une actrice porno, mais quoi d’étonnant ? Plus surprenant, cette déclaration lors de ce meeting : “allez voter, après cette élection, vous n’en aurez plus besoin“. Promesse que tout se sera réparé ou qu’il n’y aura plus d’élection ? Entre ça et son soutien aux crypto-monnaies (tiens encore du grand capital qui se rapproche de l’extrême-droite), souhaitons que Kamala Harris passe. Vraiment vraiment.

Allez quelques bonnes nouvelles et initiatives réjouissantes quand même : Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz testent un mode de vie 100 % low-tech en milieu urbain. Cet article d’Usbek & Rica nous présente un appartement urbain expérimental mais réaliste, fruit des années de recherche de Chatelperron autour du globe à la recherche des solutions de confort ou de vie moderne basse-technologie. Il en avait fait un wiki pour rassembler toutes ces idées, voici une nouvelle étape que je trouve intéressant, car elle offre le récit jusque là assez peu diffusé d’un futur où le minimalisme et une volonté d’autosuffisance ne se conjuguent pas avec une vie à la campagne sur une immense propriété. Bien sûr, Elon Musk a effectué 441 voyages en avion en 2023, mais montrer qu’une vie largement décarbonée est possible sans bénéficier de conditions privilégiées est important.

Bonnes nouvelles, on a dit : Duralex n’a pas fermée, elle a été rachetée par ses employés et transformée en SCOP. Cette solution a été validée par le tribunal de commerce, permettant de sauver les emplois des 226 salariés, devenus propriétaires de leur moyen de production ! Le succès est tellement au rendez-vous que le site a été obligé de fermer temporairement. Qui a dit que les SCOP ne pouvaient créer ni valeur ni emplois ? D’ailleurs, saviez-vous qu’il existe un annuaire en ligne des SCOP ?


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