La chaîne de l’inculture (2)

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Poursuivons donc cet étalage d’esbrouffe sous couvert de pieux repentir et de regrets culturels…

Géographie

Mon métier m’amène à voyager. Globalement en France métropolitaine, encore que j’ai eu l’opportunité il y a maintenant 18 mois de passer deux semaines en Guyane. Je peux donc remercier mon patron d’avoir considérablement amélioré mes notions de géographie nationale. J’ai encore du mal à situer le Larzac, j’intervertis toujours les Vosges et le Jura, et à part quelques exceptions liées à mon histoire personnelle, je suis bien incapable de vous dire à quel département correspond le 34. Ah si, c’est l’Héraut. Montpellier. Mauvais exemple.
En tout cas pour vous citer les noms des capitales des pays d’Europe, je passe mon tour.

Mathématiques

Il y a ici un étrange paradoxe. Ma terminable (je garde cette coquille, elle est trop belle) fut scientifique. Je désirais ardemment devenir vétérinaire. Pour être plus précis, vétérinaire équin. Ce métier unique me fut interdit par le processus classique de discrimination par les maths : tu ne comprends pas ce qu’est une intégrale et tu voudrais qu’on te confie l’antérieur d’un cheval ? La raison est après aussi valable que si j’expliquais que je ne sors pas avec Gisele Bundchen parce que je ne veux pas me fâcher avec Leonardo di Caprio.
Bref, mon parcours lycéen fut a-mathématiques. Et pour autant je travaille aujourd’hui dans l’informatique et j’explique encore ses cours de maths à mon beau-frère (de 16 ans).
Je suis pourtant dépourvu de culture mathématique. Je jubile quand mon compteur kilométrique affiche 71717, et je retiens l’étage de chez Jean-Mi parce qu’il correspond au chiffre manquant dans la progression arithmétique de son interphone (le 139 : concours, quel est l’étage de Jean-Mi ?). Je suis raisonnablement bon en calcul mental, même si je suis parfois coupable de quelques folies mnémotechniques avec les chiffres. Je crois avoir d’ailleurs identifié le pourquoi de ces élucubrations arithmétiques. Vers dix ans, peut-être moins, ma mère m’avait offert un jeu électronique. C’en était la grande mode, et Nintendo faisait fureur en proposant l’ancêtre de la DS : deux écrans, pas de stylet pour pointer sur l’écran, pas de stéréo, pas de wifi ou de bluetooth, pas de graphismes en seize millions de couleurs, et surtout pas de jeu interchangeable. J’en avais 3 : le premier consistait à balader un petit personnage aux quatre fenêtres d’une maison (deux à l’étage sur l’écran du haut, deux au rez de chaussée sur l’écran du bas), et à lui faire tirer des cordes à linge pour que les tee-shirt étendus dessus évitent les gouttes de pluie qui tombaient de plus en plus vite. J’ai dû passer des semaines sur ce truc : c’était mon préféré, et l’évocation de son souvenir me ferait négliger ma Wii que je n’utilise déjà pas beaucoup. Le deuxième fonctionnait sur le même principe : Lucky Luke devait vider des caisses de billets d’un étage à l’autre pour éviter qu’elles ne tombent dans les mains des Dalton. J’aimais moins. Le dernier, enfin, était tout petit, et n’avait qu’un écran. C’était un produit français : La Grande route. On conduisait sur une route à trois voies (comprendre : décalait son curseur d’une colonne à l’autre) en évitant les embûches (un tronc d’arbre, un cerf, un triangle de signalisation). Ad libitum, comme tous ces jeux.
Snoopy Math and GameMais le jeu que m’avait offert ma mère n’avait rien de commun avec ceux-là. D’abord, c’était une calculette. Le truc rébarbatif, quoi. Sauf que c’était une calculatrice Snoopy, avec un mode jeux. Et là, bonheur. On jouait avec les chiffres : on devait dire si le chiffre à gauche de l’écran était supérieur, inférieur ou égal à celui de droite. Au début c’était simple. Mais ça se compliquait quand de chiffres, on passait à nombres, puis à opération arithmétique. Les niveaux les plus compliqués vous demandaient de comparer en moins de dix secondes 81/9 et 3*3, ou 27-15 et 5*7.
L’autre jeu de cet engin du diable dont je me souviens, parce qu’il était mon préféré, était une sorte de Tétris numérique. A droite de l’écran poussait une suite de chiffres. Si elle atteignait la gauche, on avait perdu. Pour la faire diminuer, il fallait taper le chiffre pour que l’addition avec le premier de la ligne fasse dix.
Un 9 apparaissait, vous tapiez 1. Un 3 ? 7 ! et ainsi de suite. Le docteur Kawamachin n’a qu’à bien se tenir.

Pour moi voila ce que sont les mathématiques. Je ne saurai jamais calculer une intégrale, encore moins une dérivée, et les probabilités me restent définitivement fermées – c’est pourtant l’un des trucs les plus simples du programme de Terminale S (de mon époque). Aussi quand je me retrouve face à un chercheur en mathématiques qui m’avoue, imperturbable, que son boulot consiste à faire de la recherche fondamentale sans aucune application connue ni possible, du délire sur les chiffres, quoi, avec des divisions par zéro et autres impossibilités, je reste persuadé que nous sommes issus de mondes parallèles (dans la géométrie euclidienne, bien sûr).

To be c’est pas fini…

Et tant que j’y suis, cette formidable reprise d’AC/DC à la cithare de synthèse.

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