Jour 6 de mon défi d’écriture : Logo-rallye biographique. Prenez les titres d’un auteur que vous appréciez. Placez-les, si possible dans l’ordre, dans un texte comme phrases ou éléments du récit pour rédiger la biographie dudit auteur.
John Irving naît en 19xx. Très tôt son caractère très affirmé le fait se dresser contre les injustices manifestes de notre monde moderne. C’est ainsi qu’il crée le scandale dans la crèche où ses parents le déposent tous les matins quand un jour il s’écrie, à la stupéfaction générale du personnel “Liberté pour les ours !“, accompagnant cette revendication d’un geste radical : il défenestre tous les ours en peluche abandonnés au profit d’un goûter qui captivait les autres enfants de la garderie. Cette action d’éclat, si elle ne lui vaut pas d’être renvoyé de la collectivité, laisse des traces dans le parcours pré-scolaire d’Irving. Sa ruse notamment d’agir au moment où ses camarades se délectaient du traditionnel verre de lait accompagné d’un cookie maison restera dans toutes les mémoires du personnel éducatif. Commence alors pour celui qui est privé du fameux “lolo de quatre heures”, L’Épopée du buveur d’eau. Son salut viendra du passage en classe maternelle. Quittant le milieu infantilisant des crèches et des garderies, John Irving entame un brillant parcours scolaire, s’illustrant aussi bien en sport qu’en littérature. Les hagiographes ont cependant enjolivé de considérables fioritures les résultats d’Irving dans l’une et l’autre disciplines, et les deux composent sur ses bulletins de fin d’année Un mariage poids moyen qui lui assure sans difficulté le passage au niveau supérieur sans pour autant lui valoir de félicitations particulières, comme il a pu dit être ailleurs.
Arrivé à la fac, il se lie d’amitié avec Owen Garp et les deux compères, bientôt inséparables, décident de parcourir les sept continents, dans la mesure de leurs maigres moyens financiers – les pôles sont vite écartés ainsi que l’Asie, alors en proie aux troubles de la guerre du Vietnam et de la décolonisation galopante sur fond d’affrontement indirect entre les deux blocs américain et soviétiques – autant d’éléments géopolitiques qui passaient au-dessus du rêveur Irving. Son compagnon de route en revanche n’en a que trop conscience et c’est ainsi que les voyages des deux amis suit avec précaution la vision du Monde selon Garp. Les deux étudiants suivent une roadmap classique pour deux jeunes américains en goguette. Après avoir joué à la beat generation sur les pas encore frais de Kerouac, ils traversent l’Atlantique et sillonnent l’Angleterre où ils jouent quelque peu les rock stars – comme s’en plaindra d’ailleurs le gérant de L’Hôtel New Hampshire, dont Garp et Irving saccagent une des chambres, un soir de beuverie parodique autoproclamée des groupes musicaux qui défraient la chronique à l’époque. “Regardez l’état de la chambre ! Mon personnel se met en quatre pour réaliser L’Œuvre de Dieu, la part du Diable est tout ce que ces garnements leur ont offert en remerciement. La jeunesse ne respecte plus rien !” déclarera le gérant à un journaliste – suspecté depuis d’avoir noirci le tableau pour assurer le passage de son article somme toute très banal. John et Owen reviennent enfin aux Etats-Unis, et ce retour qui devait être une fête tourne au drame. Alors qu’ils débarquent du bateau qui les a ramenés lors d’un long mais économique voyage, Owen Garp meurt écrasé par une caisse en cours de déchargement. Les circonstances de l’accident demeurent troubles, malgré une enquête menée tambour battant par le service des douanes et le FBI, conviés sur l’affaire par les relations qu’entretient John C. Garp, le père du jeune Owen. La brouille entre le puissant industriel et l’ami de son fils restera assez vive pour que Garp père refuse au jeune Irving de s’exprimer à l’enterrement de son compagnon de route. John sera même refoulé à l’entrée de l’église et ne pourra même pas adresser Une prière pour Owen.
Blessé au plus profond de son être, John Irving restera marqué par la lucidité de son ami et gardera dès lors à l’esprit de considérer les points de vue, les réalités et Les Rêves des autres. Cette ouverture d’esprit lui permettra d’intégrer une diversité d’opinion qui l’amènera à fréquenter les plus grands spécialistes dans tous les domaines. Irving se taille rapidement un nom dans le journalisme d’investigation. Sa notoriété dépasse le cercle des salles de rédaction quand il enquête sur le scandale de l’adoption d’enfants asiatiques qui transitent par cargo dans des containers chargés de coton. Le sort des enfants empaquetés dans des balles de coton avec deux semaines de vivre émeut le monde entier et John Irving remporte le prix Pulitzer pour son long reportage, Un enfant de la balle.
Irving enchaîne les plateaux de télé et des studios de radio pour sensibiliser l’opinion à ce trafic d’êtres humains, endosse le rôle d’ambassadeur de l’Unicef et travaille sur de nombreux sujets connexes, notamment autour de la prostitution et le trafic de femmes pour répondre à une sinistre demande, toujours galopante. Si le succès professionnel est au rendez-vous, sa vie personnelle reste chaotique. Pour éviter les sollicitations, Irving s’invente une relation avec une femme médecin à l’autre bout du monde, esquivant ainsi par un engagement supposé les pressions de certaines admiratrices trop entreprenantes. Malheureusement pour sa réputation, la fable de La Petite Amie imaginaire commence à s’éventer quand des tabloïds s’intéressent aux dispensaires où est censée travailler “la compagne de Mme Irving”. La catastrophe du cyclone Julian, qui dévaste les Philippines, offrira à Irving une porte de sortie en lui permettant d’inventer la mort de sa compagne, parmi les nombreuses victimes de la tempête. Tenus en respect par le deuil et le nouvel engagement d’Irving pour secourir les survivants, son subterfuge ne sera découvert bien plus tard, dans ses confessions. Celle qui n’avait existé que dans les articles de la presse people sera alors connu comme Une veuve de papier, jolie formule pondue par un scribouillard de rédaction qui confondait le veuf et le défunt dans ce couple imaginaire. Le quipropoquo contribuera grandement à promouvoir le volume de confessions d’Irving, dont on dit qu’il avait été produit par un nègre – ce même scribouillard qui aurait ainsi placé le titre qu’Irving avait rejeté pour sa biographie, au profit d’un plus équivoque : “Mon cinéma“.
Cette nouvelle polémique sur l’auteur réel des lignes de cette biographie achèvera d’écorner la réputation de John Irving. Les inimitiés puissantes que le journaliste s’est acquises durant ses années d’enquêtes sur les trafics d’êtres humains s’expriment enfin et œuvrent en coulisse pour orchestrer un vrai lynchage médiatique. Les questions pleuvent, sans cesse et la machine qui l’a porté aux nues s’emballe pour le mettre à terre. Ses détracteurs parlent d’imposture généralisée, d’un nègre, puis de deux. Certains évoquent même un complot remontant au retour d’Europe d’Irving et Garp et murmurent que la mort d’Owen Garp n’aurait été qu’une feinte pour permettre au fils de l’industriel de se lancer dans une carrière de plume. D’aucuns évoquent une hypothèse encore plus farfelue. Derrière Irving et ses nègres supposés, un homme agirait en silence et se servirait d’Irving pour parler sans se compromettre. Les théories complotistes pullulent et attribuent La Quatrième Main à John C. Garp lui-même, le fameux industriel n’ayant feint la fâcherie avec Irving que pour mieux brouiller les pistes. Aucun des acteurs en présence ne souhaite commenter ces allégations délirantes.
Dès lors, John Irving décide de se faire discret et adopte une seule ligne de conduite : le silence. Dans le tumulte ambiant, pourtant, Le Bruit de quelqu’un qui essaie de ne pas faire de bruit reste assourdissant et les menaces continuent d’arriver dans son appartement de l’Upper East Side avec vue sur l’Hudson. Cette rivière tordue et malade devient insupportable à Irving qui la voit au fur et à mesure du scandale qui s’éternise comme une allégorie du flot de haine que ses détracteurs les plus acharnés lui déversent en continu. C’est une lettre de menaces de trois mots, découpés maladroitement dans les journaux du soir, comme dans un mauvais film noir, qui décide Irving à partir. Je te retrouverai. Nul ne sait pourquoi ces trois mots en particulier lui font un si grand effet. John Irving, qui est alors l’homme le plus connu si ce n’est le plus respecté des Etats-Unis, réussit alors un tour de force, celui de disparaître. Passées les premières conjectures que cette disparition soudaine entraîne, le public se lasse et la presse est obligée de passer à autre chose. A priori, ses ennemis ont obtenu gain de cause en mettant Irving hors-course. Pendant trois ans, tout le monde ignore où il se trouve. Le journaliste refait soudain surface avec un article fleuve publié dans le New-York Post où il relate les événements depuis son départ de son appartement. Et le récit captive l’Amérique. Après cette Dernière nuit à Twisted River, comme il la nomme en introduction de son article, Irving a enquêté avec les dernières personnes de confiance qu’il connaissait et qui étaient encore de son côté dans les rédactions des grands quotidiens du pays. Son but : faire tomber les puissants, qui, après avoir résisté aux accusations d’esclavagisme, avaient manipulé l’opinion publique pour salir son nom et sa réputation. Irving raconte dans un récit rocambolesque digne des meilleurs romans d’espionnage, comment il se déguise et déguise sa voix pour contacter les secrétariats de ses ennemis, obtenant ainsi des renseignements d’apparence anodine, mais qui mis bout à bout, composent une vaste fresque très compromettant. Pour reprendre les premiers mots de sa conclusion : “en incarnant À moi seul bien des personnages, j’ai réussi à pénétrer dans les coulisses de ces comédiens, de ces champions de la duperie et de l’hypocrisie qui se parent de vertu pour mieux dissimuler leur vice et détourner l’attention du public. Je révèle aujourd’hui sur l’Avenue des mystères que ces gens préféreraient voir gardés dans l’ombre.Il n’est pas agréable de fouiller leurs ordures, mais nous voici au moment où cela est devenu indispensable. Nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas.”
L’article abondamment documenté et sourcé est compulsé depuis une semaine sur le bureau d’un procureur à New-York et dans les bureaux de la police fédérale quand il part sur les rotatives. Les commentateurs de toutes les télévisions ne savent alors plus où donner de la tête, entre la découverte des révélations d’Irving, et les multiples perquisitions qui se déroulent au même moment dans les tours de la grosse pomme. “Le ver est dans le fruit”, titre le lendemain le New-York Post. Irving, loué de nouveau par ses confrères, refuse pourtant tout entretien. Il vivrait actuellement reclus au Canada, loin des chamboulements qu’il a provoqués.
Très bel exercice … je n’ai pas eu le courage de chercher à séparer le vrai du romancé.
L’exercice peut se reproduire avec d’autres auteurs … San Antonio est une source abondante !
Merci !
A vrai dire, il n’y a pas grand chose de vrai dans tout ça… pour ainsi dire rien : j’ai inventé une vie à John Irving à partir des titres de ses romans. J’ai juste respecté l’ordre chronologique.
San-Antonio… ce serait du boulot de se livrer à cet exercice avec sa bibliographie !