Le cadeau du jour revêtira la forme d’acronymes dont le sens aura été légèrement changé. Mais au fait, saurez-vous donner leur sens original à ces accumulations d’initiales ?
Le contrôleur TGV fit le signe habituel avec son doigt. La manœuvre contrarie la plupart des propriétaires, mais je savais à quoi je m’exposais. La plupart des gens pensent qu’une femme ne devrait pas piloter un tel véhicule. Cependant, j’ai pris l’habitude des contrôles au faciès. Aussitôt la demande d’inspection émise, je retournais mon Très Grand Vélo pour le culbuter, selle et guidon au sol, les roues en l’air. L’homme suivit la chaîne avec expertise, s’attardant sur les dérailleurs, les pignons, les plateaux. Ils s’y connaissent à la SNCF : la société nationale des cycles féminins. Il me lança une œillade gourmande.
— Jolis mécanismes. C’est bien huilé, tout ça.
Je ne bronchais pas. Ce genre de provocation marchait sur les membres du MLF, qui fonçaient tête baissée dans le piège – le Mouvement de Libération des Freins ne brillait pas toujours pas la subtilité de ses membres. Il attaqua alors le problème sous un autre angle, pinçant la gomme de mes roues.
— C’est un peu flasque, tout ça. Vous ne suivez pas la norme VTT ?
— Non. Le Volume Très Tendu use trop vite les pneumatiques, je lui préfère une IVG.
— Une inversion volumétrique du gonflage, sur un TGV ? Z’êtes pas un peu dingue ? Et l’adhérence, vous en faites quoi ?
Mes chambres à air étaient molles et je le savais : je bichonnais assez mon engin pour en connaître le moindre détail. Le contrôleur ne me voyait encore que comme une originale et ma dernière déclaration l’avait déstabilisé. Il avait basculé de l’indulgence goguenarde et paternaliste à l’incrédulité agressive. Son écart de langage le prouvait. Je devais profiter de son trouble pour asséner le coup de grâce avant qu’il ne me verbalise, voire me retire mon permis.
— Ce réglage est plus adapté en GR.
— Les…
Son regard perplexe effectua plusieurs aller-et-retours entre mes yeux et mes roues maculées de boue.
— Vous êtes Kelly Matago ? La championne de TGV sur Gadoue Radioactive ?
— Elle-même, rétorquai-je sans modestie, relevant même le menton pour le mettre au défi de me verbaliser après mes cinq titres aux JO.
— J’ai suivi toutes vos courses aux Joies Organisées ! Comment vous avez coiffé la Sibérienne au poteau lors de la dernière édition ! Du grand art ! C’est un grand honneur de vous rencontrer, madame !
Il me réclama un autographe et faillit me faire manquer l’arrêt de notre zeppelin, tant il me posait de questions sur mes victoires passées. Enfin je m’en débarrassais et me jetais dans l’arène du jour. La GR du jour était aussi redoutable par sa distance que par sa nocivité. Plus de cent-trente kilomètres de boues fossiles radioactives dans l’ancien lit du Rhône. Je m’élançais sur mon TGV.
— A nous deux, Tricastin !
très drôle ! je pense avoir réussi la traduction.
Et la charade ? mhm ? 😉
Je connais le sens originel de SNCF. Mon papa qui y travaillait affirmait que cela voulait dire: Sommes-Nous Complètement Fous? C’est original.
On peut se poser la question, parfois. Mais si on leur donnait les moyens aussi (en tout cas, aujourd’hui, on peut se poser la question, à l’époque de ton papa, je ne sais !)