Plus que cinq jours dans mon défi d’écriture, bientôt l’heure de se séparer. Je vous ai écrit une autre lettre…
Spritz,
biscuit chéri, mon amour, c’est fini. Je sais bien qu’aujourd’hui un cocktail de Prosecco et de Campari t’a détrôné dans l’inconscient collectif et que tu vas m’attribuer ce départ, cette trahison, cet abandon.
Sache qu’il n’en est rien. Je ne te confonds pas avec l’amertume d’un alcool italien au nom autrichien, je ne te ferai pas cette injure. Si je te quitte, c’est bien pour toi, pour tes qualités qu’aujourd’hui je vois comme autant de défauts. Ton grain délicieux, générateur d’autant de miettes à picorer du bout des doigts, ton onctuosité en bouche, ton chocolat sur la moitié du corps… ton gras à n’en plus pouvoir, ta formule conçue pour la dévoration oublieuse, ton huile de palme, tes emballages…
Au moins tu n’as pas cédé à la mode effroyable de “l’emballage pratique”, comprendre “des biscuits deux par deux dans une petite pochette, elle-même contenue dans un carton, le tout sous film”… Les marketeux qui proposent ces horreurs de suremballage vantent la mobilité et le “emportez-moi partout”. Bien fou qui croit pouvoir emporter des Spritz dans un sac et les conserver autrement qu’en un broyat informe passé deux heures de transport.
Tu étais trop fondant dans mon thé, laissant des yeux accusateurs dignes des pires bouillons, des yeux d’orang-outan privé de sa forêt primordiale pour y faire pousser de l’huile de palme… Je ne parlerai pas de ton cacao. Déjà écœuré du reste, je ne veux pas savoir que des enfants sont exploités pour le produire. Sous tes aspects très traditionnels, cher biscuit de mon enfance, tes origines étaient trop exotiques – et ce que je chéris chez les humains, la diversité, le mélange, l’enrichissement cosmopolite, je m’en méfie quand il est dans mon assiette…
C’en est donc fini entre nous. Oh, tu le savais depuis longtemps. Je ne t’attrapais plus qu’en de rares occasions, correspondances s’éternisant dans des gares désertes, pour baffrer plus que pour déguster…
J’ai changé. Toi, non. Nos routes se séparent donc.
Adieu.
AH ! tu mangeais des SPRITS ? belle lettre d’adieu !