Entre une période un peu compliquée, pas mal chargée et quelques soucis techniques sur l’envoi de la news, voici le tour d’horizon de ma curiosité ces dernières semaines, que ce soit de la littérature, du jeu ou des articles. Belles découvertes !
Lectures ludiques
Lune rouge
Suite et fin de ma lecture de Into the Odd VF, ce recueil de fanzines propose des lieux d’aventures, avec les protagonistes et les accroches qui les accompagnent.
Je suis bien plus mitigé. Les illustrations sont celles du fanzine original et il y a dans le lot du très bon mais trop souvent de la qualité amateur – pas juste “crayonné sympa”, mais franchement enfantin pas au niveau. Et j’ai repéré beaucoup de typos fort regrettables. Mais ce n’est là que de la forme.
Le fond, à savoir les lieux d’aventure, se partagent entre très originaux et plus classiques. La congrégation religieuse monothéiste par exemple est banale, sa secte d’assassins très originale au contraire.
L’ensemble n’a finalement pas la puissance d’évocation du jeu de base, ou du supplément Into Uldridge, dont je parlais précédemment. Après, ça fourmille d’idées, et une MJ en manque d’inspiration y trouvera de quoi improviser une partie 30 mn avant l’heure fatidique. Ces propositions sont, je trouve, simplement moins convaincantes, moins inspirantes, moins originales que ce que j’ai pu lire d’autre dans cette gamme. Peut-être une certaine lassitude ? Ou peut-être, aussi, que je préfère les outils d’idéation que les cadres d’univers moyens.
Kamicha, le Jardin du Thé
Peut-on faire d’un exercice de style un vrai jeu ?
La réponse est magistralement : “oui”, pour preuve Kamicha, le Jardin du Thé. Situé dans un univers oriental, sans qu’il soit précisément situé ni défini, Kamicha se déroule sur une île, divisée en cinq régions, chacune associée à un sens. L’unique ville est elle-même divisée en cinq quartiers, associés eux aussi aux cinq sens.
Vous avez compris le principe : tout tourne autour des cinq sens.
Les quartiers, les secteurs de la forêt, les caractéristiques des personnages, et même les thés (noir, blanc, rouge, bleu, vert), tout fonctionne par cinq. Et autour de la quête du Jardin de Thé de la déesse Kamicha – une reformulation de la fontaine de jouvence. Kamicha offre une proposition de jeu totale, avec un parti fort, un cadre de jeu concret et compréhensible, et des accroches à foison. Le scénario proposé en fin d’ouvrage est même une mini-campagne qui offrira sans doute trois grosses sessions de jeu. Que du bon !
Doctor Who RPG
Alors ? Simple fan service ou vraie réussite ?
Un indice : c’est ici la seconde édition du jeu, qui a connu outre-Manche un vrai succès, avec une gamme très fournie, et ce depuis 2007. Il était temps que le grand fan du Docteur que je suis se lance dans cette lecture. Et je ne suis pas du tout déçu.
Le système est très simple : une caractéristique + une compétence + le résultat de 2d6, que l’on compare à un seuil de difficulté. Si cette somme dépasse la difficulté, l’action est réussie, sinon, non.
Le vrai bonus vient de l’interprétation des 1 et des 6 qui vont nuancer le jet. Une réussite obtenue avec un 1 sur le jet de dé comporte un inconvénient, alors qu’avec un 6 elle est exceptionnelle. Idem pour les échecs : un échec avec un 1 est une catastrophe, alors qu’avec un 6, une petite lueur d’espoir apparaît. C’est la mécanique toute simple du “oui et, oui mais, non et, non mais” mise en place avec 2d6. Des points de narration (story points) permettent d’influer encore sur le résultat des dés pour éviter les catastrophes ou favoriser le destin, rendant le jeu très souple et favorisant les moments épiques. Le livre ne comporte pas pas de scénarios en tant que tel, mais pas mal d’accroches d’aventures. L’ensemble permet de proposer des aventures jouables dans l’univers si particulier du Docteur, qui soit à la fois dans l’esprit loufoque et exotique de la série, et pas trop épique d’entrée de jeu.
Images animées
You’re the worst
Je n’avais jamais pris le temps de finir le visionnage de cette série au format sitcom et au ton bien plus grinçant que les autres séries d’humour en 26mn. You’re the worst (littéralement : “t’es ce qu’il y a de pire”, autrement dit : “mais t’es un boulet !”), c’est le couple improbable que forment Jimmy et Gretchen. Lui est auteur anglais un peu en panne d’inspiration, cynique et désagréable, elle est manager américaine désabusée d’un groupe de rap capricieux et mal fagoté. Passablement cabossés, les deux se fréquentent sans s’admettre qu’ils sont assortis… et font finalement un bout de chemin ensemble.
La deuxième saison m’avait mis une claque sur sa représentation de la dépression (car oui, forcément…) et sur les schémas qui volent en éclat notamment pour les personnages secondaires. En regardant le début de la troisième saison, nouvelle baffe. Donc… me voila parti ! Rendez-vous quand j’aurai fini les trois saisons (trois, quatre et cinq, donc) qui me restent. En attendant, si vous aimez les histoires cyniques et réalistes, les moments de vérité qui font du bien et l’humour au vitriol, précipitez-vous !
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Autant dire une belle offre pour l’été, non ?
Mélodies
Beaucoup, beaucoup d’écoutes durant ces cinq semaines. Je ne vous en partage ici que le meilleur : quelques découvertes sympathiques au milieu du tri massif dans ma bibliothèque musicale (la tendance générale est au tri par chez moi).
L.E.J. : Pas peur
Elles se sont fait connaître au milieu des années 2010 avec leurs “Mix de l’été”, où elles reprenaient des titres pop, dance et hip-hop en quelques minutes avec des arrangements malins et un violoncelle. Après un EP aux airs d’album qui s’appelait justement En attendant l’album, et qui comportait des reprises et des versions studio des mix en questions, le trio de Seine-Saint-Denis avait sorti quelques singles, mais je ne m’étais pas penché sur ses galettes. Rattrapage en cours avec Pas peur, sorti en 2020.
Et ben c’est que du bon ! Les influences hip hop sont présentes mais (oui, j’aime pas trop le hip hop, donc “mais”) matinées de pop et de chanson à texte (le terme “chanson française” étant très connoté), avec ce qu’il faut de rock pour lier l’ensemble. Les signatures vocales des deux chanteuses sont encore très présentes et ont mûri, effaçant le côté parfois trop marqué dans les aigus ou les basses de l’une et l’autre. Loin de gommer toute originalité, l’ensemble est plus homogène tout en gardant sa cohérence et son originalité. Vite vite, les autres albums sont où ?
Ben Salisbury et Geoff Barrow : Annihilation & Ex Machina
Si vous ne connaissez pas Annihilation, je ne peux que vous conseiller de trouver un accès Netflix pour visionner ce film d’Alex Garland. C’est magnifique, intriguant, beau et terrifiant tout à la fois – et la bande son accompagne formidablement cette plongée dans l’inconnu (et la dépression, car c’est le vrai sujet du film, mais sans doute pas du livre dont il est adapté et dont il existe deux suites).
La musique de Ben Salisbury et de Geoff Barrow est indescriptible, infredonnable, sans mélodie distincte ni mémorisable et pourtant reconnaissable de suite. Elle mélange des sons synthétiques, des enregistrements qui évoquent des sons naturels (des crissements de pas dans la neige) et quelques instruments très classiques. Le tout est mélangé, mixé, orchestré pour rendre une impression d’organisme mutant, à la fois titanesque, beau et terrifiant. Je me suis souvent retrouvé à me demander ce que j’entendais : le cri d’une créature gigantesque dans le lointain ? Un glacier qui se décroche et dont le fracas se réverbère sur la banquise ?
J’ai vu Annihilation il y a une paye maintenant, et je me suis replongé dans sa bande-son pour avoir un accompagnement à l’écriture d’un scénario qui s’inspire très fort du film. Ça fonctionne. Comme ambiance musicale, c’est très particulier : vous détesterez ou vous adorerez, mais je ne crois pas que ça puisse laisser qui que ce soit indifférent. Et Ex machina, et bien, c’est là aussi la bande originale d’un autre film d’Alex Garland, que je n’ai pas vu celui-là. Mais la bande son est du même tonneau et… miam !
Je vous mets le lien vers l’album sur la plateforme diMusic, à laquelle j’ai accès via mon compte de bibliothèque municipale. Peut-être que votre bibliothèque vous permet aussi d’en profiter ?
A-ha : MTV Unplugged : Summer Solstice
Qui écoute encore A-ha en 2024 ? Bah, plein de gens, et pas que pour Take on me, ce titre phare des années 80 (du côté qualitatif des années 80). MTV Unplugged : Summer Solstice est l’enregistrement du concert inaugural du MTV Unplugged du groupe, et comme le nom l’indique, toute la performance n’utilise que des instruments acoustiques. Nous voici donc loin des synthés iconiques (et qui ont souvent mal vieillis) de ce groupe new wave.
Et c’est là que joue la magie : la ré-orchestration, en plus de ré-inventer avec bonheur les morceaux les plus connus du groupe, permet de découvrir les autres. Ce double album propose ainsi quelques pépites et s’écoute (à plusieurs reprises) avec plaisir. J’ai pour ma part mis la main dessus en 2023, mais je n’arrête pas de le redécouvrir en l’écoutant. Faites-vous plaisir, écoutez un très bon live !
Agnès Obel : Myopia
Si vous aimez les musiques délicates comme des stalactites où se reflètent des aurores boréales, allez glisser une oreille du côté de la production de cette intrigante Danoise, qui nous emmène dans un univers d’apparence anodine et légère. J’avais adoré son premier album, Philarmonics, qui s’était révélé plus riche à chaque écoute (tiens, y aurait-il un dénominateur commun aux productions de nos amis scandinaves ?). Myopia, le quatrième album d’Agnes Obel, va sans doute mettre du temps à révéler toute sa subtilité. Ça tombe bien, j’ai le temps.
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