En ce 14e jour de mon défi d’écriture, retour du néologisme. Saurez-vous trouver le sens du mot “enfunnayer” ?
” […] Aujourd’hui, le terme s’interprète de travers : confusion produite par l’omniprésence de l’anglais. Il n’y a pas de fun, quand le temps enfunnaye les esprits. Mais déjà quand Charles Baudelaire cherche à traduire la mélancolie des jours gris où l’âme pèse du poids des chaînes du passé, il préférera un mot emprunté de l’anglais, spleen, littéralement la rate, cet organe siège des émotions que l’on qualifie aujourd’hui de bluesy (encore l’anglais !), cafardeuses. Bref, le spleen, c’est le bourdon, le regret, la tristesse. Autant de notions absentes chez qui s’enfunnaye. Étonnant que ce terme existe d’ailleurs en ancien français, à l’époque où le travail n’était ni une option ni un plaisir mais une nécessité, imposée soit par un seigneur, soit tout bonnement par l’envie de manger, de survivre. L’apparent anachronisme s’explique sans doute parce que cet état n’affecte en vérité que des populations relativement privilégiées, que le devoir peut obliger à avancer mais sans non plus revêtir l’aspect d’impérieuse nécessité qu’il aura chez le serf. Face au temps gris qui crache et vente, tout inspiré qu’il est par sa foi, le moine peut renâcler à quitter le confort relatif de sa couche et la protection de sa cellule. Pourtant il sait qu’il devra sortir et ses ablutions faites, rejoindre les rangs, s’atteler à la tâche qui lui est assignée. Pourtant, dans l’accomplissement de l’attendu, nulle initiative, nul entrain, nulle mélancolie non plus : juste cette absence d’envie et d’allant, cette pesanteur indifférente qui permettra de dire sans mentir qu’il a fait son travail mais rien de plus – l’envie n’y était pas. Et ce même si l’enfunnayé s’est porté volontaire pour un projet qui lui tient à cœur, voire, dont qu’il a initié. Les jours sans, on s’enfunnaye ferme. Mal des abbayes cloisonnées, étonnamment comparable à celui de nos open spaces. […]”